Ô mes aieux! Halleux, Paygnard et autres

Qui suis-je ?
Cette question peut être le début d'un voyage dans le temps. Il sera tantôt enthousiasmant tantôt étonnant.

Lettre de Henri Fontaine à un ami resté en Belgique

Ceci est la transcription commentée de la lettre que Henri Fontaine a envoyée le 24 décembre 1855 à un ami juge en Belgique.

A l'automne 2006, en triant les archives au Cloître des Ursulines d'Overpelt (Pelt), soeur Emma, la Supérieure des Ursulines, a découvert une vieille lettre manuscrite. Elle a remis cette lettre à Henri Naus de la Société d'Histoire et de Folklore (Genootschap voor Geschiedenis en Volkskunde) de la commune de Pelt qui m'en a aimablement transmis une copie accompagnée d'une étude très intéressante, intitulée "Overpeltenaren naar de Verenigde Staten". Voici la lettre.

Henri Eugène Telesphore Fontaine (lettre à un ami resté en Belgique, première partie, 1855)
Henri Eugène Telesphore Fontaine (lettre à un ami resté en Belgique, première partie, 1855)
Henri Eugène Telesphore Fontaine (lettre à un ami resté en Belgique, seconde partie, 1855)
Henri Eugène Telesphore Fontaine (lettre à un ami resté en Belgique, seconde partie, 1855)

Les commentaires s'appuient notamment sur l'étude de Henri Naus, mais évidemment ils n'engagent que moi.

Dans la transcription, j'ai fait quelques modifications mineures pour clarifier la lecture. Les [textes entre crochets] sont des mots que j'ai ajoutés. Les (textes entre parenthèses) sont des mots du texte original que je conseille de supprimer pour faciliter la lecture. (?) remplace des mots illisibles.

La lettre

Henri Fontaine et sa famille sont arrivés aux États-Unis en mars 1854. La traversée s'est passé dans des conditions extrêmes. Leur plus jeune fille qui avait moins d'un an est morte pendant le voyage. Sa mère est décédée peu après leur arrivée à New York.

Henri et ses enfants se sont alors dirigés sans attendre vers le Wisconsin où ils se sont installés. L'année suivante, Henri tente de donner de ses nouvelles à un ami, juge, qui est resté en Belgique.

Green Bay le 24 Décembre 1855.

Mon cher ami,

Encore une fois, je mets la main à la plume dans l'espoir de recevoir cette fois une réponse. C'est pour la quatrième fois depuis le 7 avril dernier, jour que j'ai reçu votre (?) lettre. J'ai également écrit à un employé [de la douane], Mulders de [Grote Barrier] (la grande barrière), mais j'ai été également trompé dans mon espérance de recevoir une réponse. Mais enfin Dieu le veut peut-être ainsi et je dois me contenter selon sa volonté.

Henri est parti aux États-Unis vivre son rêve américain, mais ses vieux amis lui manquent. Il ne sait pas trop comment interpréter l'absence de réponse à ses dernières lettres.

Ne croyez cependant pas que je doute que ce soit de votre faute, non, mon cher Juge car la voie des lettres en Amérique est très difficile. J'entends bien des personnes qui se trouvent dans la même position que moi. Ce n'est pas comme chez nous. Nous n'avons pas de porteurs de lettres. Celui qui attend une lettre doit aller à la poste où la lettre est adressée, demander s'il n'y a pas de lettre pour lui. Dans chaque ville il y a un bureau de poste, mais vous savez que les villes sont éloignées l'une de l'autre en Amérique, puis tous les mois les lettres qui ne sont pas levées, sont inscrites dans les journaux, mais la 20ème personne ne lit pas les journaux. Puis [il y a] encore bien des fois que des personnes [qui] ont lu leur nom dans les journaux se rendent à la poste, mais alors à leur grande surprise, le maître de poste leur dit que la lettre a été levée. Ce sont des filous qui se mettent à la chasse des lettres et y trouvent sans doute quelquefois de l'argent, car chacun peut avoir une lettre [en] demandant une lettre sous un tel nom, et contre paiement du port.

La poste ne fonctionne pas de la même manière aux États-Unis et en Europe. En Amérique, pas de tournée quotidienne du facteur. Celui qui attend du courrier doit aller lui-même à la poste et payer les frais de port, tout en espérant que personne n'aura été réclamé son courrier avant lui

Enfin quoique malheureux depuis le jour fatal pour moi que ma chère et aimable épouse Elisabeth a rendu son âme à Dieu et pour laquelle je prie encore tous les jours, quoique je sois persuadé qu'elle est au ciel, car [elle] était bonne chrétienne et elle a espéré en Dieu jusqu'à son dernier soupir. Et selon l'Evangile de St Paul, celui qui espère en Dieu et croit en Jésus-Christ est sauvé et recevra la vie éternelle.

Souvent dans cette lettre, Henri donne de lui l'image d'un bon chrétien et d'un veuf déprimé par la mort de son épouse.

Elisabeth Pinxten, son épouse, n'a pas survécu au voyage. Elle est morte du choléra à leur arrivée à New York. Henri explique à quel point cela le peine.

Saint Paul n'a pas écrit d'évangile au sens traditionnel. En revanche, il a écrit de nombreuses lettres dans lesquelles il parle de son message qu'il appelle son Évangile à lui et à ses compagnons de mission.

Oh oui, mon cher Juge, c'est malheureux pour moi sous tous les rapports en perdant une amie bonne et aussi douce épouse; mon amour pour elle n'a pas encore quitté mon coeur une minute. Même je crois qu'il a encore augmenté depuis qu'elle n'est plus près de moi. Quelquefois je crois que ce n'est pas vrai qu'elle est morte et qu'elle doit encore exister, mais hélas, après des malheureuses réflexions, je me vois toujours trompé, et cependant je me plais quelquefois de lui parler comme si elle était réellement encore près de moi, mais après des pareils moments, je retombe toujours dans des journées de tristesse. J'espère que cela ne restera pas ainsi et que Dieu daignera un jour m'appeler pour aller rejoindre celle que je ne cesserai jamais d'aimer de tout mon coeur et [de] tout mon pouvoir et [de toute] mon âme.

Henri évoque de façon émouvante son épouse.

Cette lettre a probablement été écrite en plusieurs fois, ce qui amène l'auteur à se répéter et même parfois à se contredire.

Je remercie Dieu que mes enfants sont toutes les trois en bonne santé et grandissent à merveille. Les deux ainées (?) me quitter vers les Pâques prochaines pour aller à l'école dans une ville. Je les avais déjà placées toutes les trois, mais je ne pouvais vivre sans les avoir auprès de moi. Puis j'avais placé Mina seule à Green Bay, chez des personnes de connaissance où elle pouvait aller à l'école, mais elle ne s'y plaisait pas seule et, un beau jour, Mina accompagnée d'un voiturier revint à moi. Mais cependant au printemps, elles doivent me quitter pour aller à l'école. Je garderai Francisca, la plus jeune près de moi.

Henri est arrivé au Wisconsin avec ses trois filles (il ne parle pas de la quatrième décédée pendant la traversée). Il donne de leurs nouvelles à son ami en Belgique. A ce moment:

L'ami pourra ainsi donner des nouvelles à la belle-famille.

A force de travailler jour et nuit, je suis parvenu de payer ma terre que j'avais achetée à crédit à l'Etat: on peut acheter jusqu'à 320 acres [129 ha] de terre de l'Etat à crédit pour un an, au prix de dix schillings par acre, environ six francs et 65 centimes par acre. J'ai 160 acres, [un carré de 1000 mètres de côté] (1000 mètres carrés) ou quatre kilomètres de tour en un tenant. Les terres prennent de jour en jour plus de valeur. J'aurais déjà pu vendre à raison de 100 pour 100 de bénéfice, mais le prix ne me suffit pas encore. J'espère qu'avant deux ans, j'en obtiendrai le quadruple. Et lorsque je pourrai vendre à un prix qui me convient afin que je puisse venir acheter une ferme chez vous, je ne tarderai de repasser ces grandes eaux et j'aurai bientôt franchi les trois mille (et de) lieux qui nous séparent.

Là on change complètement de sujet. Henri parle avec passion de son travail de pionnier et de ses succès. Dans son enthousiasme, il écrit "1000 mètres carrés", en précisant qu'il parle d'un terrain carré de 1000 mètres de côté, soit un kilomètre carré.

Ensuite curieusement il semble annoncer son retour prochain en Europe.

Carte des États-Unis (les états et villes dont parle Henri Fontaine)
L'État du Wisconsin, Brown County, est éloigné de 1700 miles de New York. C'est l'état le plus sain des États-Unis. L'été dernier, j'ai fait un voyage dans les états d'Ohio, Michigan et Illinois, mais il fait trop chaud dans ces états. Et le choléra ne cesse jamais d'y sévir d'une manière terrible, surtout sur les bords du Mississippi à St Louis, New Orleans, Cincinnati, Chicago et Détroit. Les saisons du Wisconsin sont à peu près réglées comme en Belgique, excepté que les chaleurs de l'été sont plus grandes et le froid en hiver plus rude, et surtout plus de neige pendant quatre mois. [Il y a] deux, trois et jusqu'à quatre jours de [chute de] neige. Les terres sont bonnes et productives. On peut y cultiver tout ce que la Belgique peut produire. La nourriture y est bonne: bon pain de froment et beaucoup de viande, surtout du porc qui est en abondance et que je n'aime pas du tout, mais en revanche, j'aime la chair du gibier qui ne manque pas non plus. Les boissons sont mauvaises ici, mais dans les autres états, elle vaut mieux.

Les observations de Henri à propos du climat du Wisconsin sont parfaitement correctes.

La chasse n'est pas si agréable que chez vous parce que les forêts sont trop grandes et l'on s'y perd trop facilement, puis il faut toujours être chargé à balle lorsqu'on veut s'éloigner un peu des fermes et c'est dangereux étant seul, à cause des ours qui sont difficiles à tuer. Il y a quelques semaines que j'ai rencontré deux Indiens (les Indiens ne vivent que de chasse et de pêche) qui venaient de tirer un ours, lequel après avoir reçu sept balles dans le corps, leur a encore déchiré un chien. Cet ours pouvait peser environ 800 livres. Quant aux lions je ne crois pas vous avoir écrit qu'il y en avait ici, mais au Mexique il y en a beaucoup. En été, on rencontre aussi quelques buffles ici, mais pas en hiver. Leur viande de buffle n'est pas trop agréable à mon goût. J'aime mieux le cerf qui sont en abondance ici. J'en ai tiré sept sur ma propre terre en deux mois, dont une biche [qui] pesait passé les 200 livres et il y a ici des [ratons laveurs] (raccoons), des lièvres, des faisans [comme] (pour) petit gibier.

Au Wisconsin, il existe de nombreuses terres inexploitées, la densité de population est beaucoup plus basse qu'en Belgique et la chasse n'est guère règlementée. C'est pour Henri, un sport, mais aussi un moyen de se nourrir.

Les Indiens et les Européens immigrés semblent coexister pacifiquement.

Quant aux lions du Mexique, il est difficile de savoir de quoi il s'agit. Henri a-t-il parlé d'un autre félin dans une lettre précédente ? Il est peu probable qu'il ait raconté une histoire de chasse aux lions, inventée de toutes pièces.

Je crois avoir remarqué dans votre lettre que vous doutez de ce que je vous ai écrit concernant le lièvre blanc et le chat puant. Je vous prie de croire tout ce que je vous écris car nous sommes trop éloignés l'un de l'autre et les lettres ne me parviennent pas si en abondance pour que je vous écrive des fables. J'espère dans tous les cas vous en convaincre, si j'ai le bonheur de vous revoir un jour.

Le pelage du lièvre d'Amérique est brun grisâtre en été et il devient blanc en hiver. Ces mues le protège évidemment des prédateurs, mais cela étonne certainement l'ami chasseur habitué au lièvre européen qui garde toujours son pelage brun-roux.

Quant au "chat puant", il ne s'agit pas d'une race particulière de chats américains.

J'ai déjà tiré plusieurs sortes de bêtes dont je ne connais pas les noms. Enfin, je vous montrerai des peaux desquels vous serez très étonné et dont vous n'auriez jamais pensé que de telles bêtes existent. Il y a ici beaucoup de serpents en été, pas en hiver. Je ne sais où ils se terrent en hiver à moins que ce soit sous terre. Ils sont peu dangereux. Je suis tellement habitué de les voir que je ne détournerais pas un pas pour ne pas marcher dessus. Les porcs font la chasse au serpent. Un serpent de 6, 7 ou 8 pieds fait un bon déjeuner pour un porc.
Et la culture se fait généralement avec des boeufs. On y cultive froment, seigle, maïs, avoine, pommes de terre, etc. Comme dans les bons pays de l'Europe, tout est cher en proportion (de l'argent) de leur valeur (de) chez nous. Les pommes de terre que l'on vent actuellement au prix de six shillings six pence le bushel, environ 25 Kg, 4 frs 35 centimes mais un dollar ne vaut pas plus ici que deux francs chez nous. Cependant le dollar fait 5 frs 33 centimes.

Un bushel, ou en français actuel, un boisseau US ou un boisseau ras, est égal à 8 gallons US "dry", soit environ 35 litres.

Les Ètats-Unis sont grands. Je ne connais pas leur grandeur. Chaque état a son gouverneur choisi tous les quatre ans par le peuple et les 21 états ont un président également choisi par le peuple, mais chaque état fait ses lois et les lois sont faites par des hommes aussi choisis par le peuple. Tous les ans enfin, tous les officiers tant publics que de l'état sont choisis et renouvelés tous les ans par le peuple, et tout homme âgé de 21 ans a le droit de voter et de se mettre sur les rangs [pour] (d') obtenir n'importe quelle place ou emploi.

Henri décrit le système politique américain: l'élection des gouverneurs, du président et le nombre d'états (21 à cette époque, avant la guerre de sécession), les chambres élues, l'élection annuelle des principaux fonctionnaires de l'état, des comtés et des villes.

Le Wisconsin est habité généralement par des Allemands, Hollandais, Irlandais, Canadiens et les Belges y ont choisi leur pays aussi. J'en suis éloigné par 4 à 5 miles. Les Indiens se tiennent à part. Green Bay est situé entre le Fox River et le Duvels River à la pointe du Lac Michigan. Et (le) Fond du Lac, on y peut correspondre par bateau à vapeur avec tous les Etats-Unis. Son principal commerce est en bois de toutes espèces, froment et porcs qui sont en abondance et à bas prix. Je les ai vu vendre à 3 et 1/2 cents par livre.

"les Belges y ont choisi leur pays aussi" = "des Belges s'y sont installés aussi, en ont fait leur pays d'adoption".

"J'en suis éloigné par 4 à 5 miles" = "Je suis éloigné de 4 ou 5 miles de mes voisins".

Je ne sais pas encore où est mon frère. Je le crois mort, ou bien retourné chez nous. Je me suis informé de toutes les manières mais impossible de le trouver. Ce n'est pas comme en Belgique. Si une personne vient à mourir, on l'enterre suivant sa religion, puis c'est fini, point de registre comme chez vous. L'on n'a pas besoin de passeport pour voyager dans tous les états. Enfin tout est libre et tout est référé au serment. La seule chose qui se fait par enregistrement, c'est la naturalisation comme américain et après avoir prêté serment, on reçoit un petit billet qu'on a prêté serment à une telle place de prêter main-forte en cas de besoin aux Etats-Unis. Enfin je vous dis que je crois mon frère mort parce que je ne reçois pas de ses nouvelles et que je ne puis le trouver et cela, à cause que je sais qu'il sait que je lui ai écrit ma dernière lettre de Green Bay et que là j'ai aussi reçu sa dernière lettre et maintenant depuis seize mois, je n'ai plus rien entendu de lui.

"chez nous" = "en Belgique"

Henri et son frère Juste sont arrivés aux États-Unis à peu près en même temps. La femme et la fille de Juste ont fait la traversée avec Henri, car Juste était arrivé quelques mois plus tôt. Les deux frères étaient donc proches, mais Henri s'est installé au Wisconsin, tandis que Juste est parti à La Nouvelle-Orléans en Louisiane. Un an après son arrivée, Henri s'inquiète de ne plus avoir de nouvelles de son frère qui connaît pourtant son adresse. Il explique que les usages américains et européens sont très différents, ce qui rend difficile de savoir s'il est arrivé malheur à son frère.

Aux États-Unis, les cimetières ne sont pas gérés par l'état. En pratique, chaque Église gère un cimetière pour ses croyants (un cimetière catholique, un cimetière protestant, etc).

Tout est plus libre parce qu'on ne demande pas souvent des documents officiels. Il n'y a ni registre des naissances, ni registre des décès. Pour les choses importantes, il suffit de faire une déclaration et de prêter serment. Selon Henri, la seule chose qui soit formellement enregistrée, c'est la naturalisation américaine: le nouveau citoyen américain reçoit un billet qui lui rappelle qu'il a prêté serment d'allégeance aux États-Unis et qu'il s'engage à prêter main-forte si les États-Unis lui demandent.

En 1857, Henri introduira une demande pour devenir citoyen américain et, selon le document qu'il a signé, il renoncera par la même occasion à son allégeance supposée à Napoléon III, empereur des Français. C'est assez curieux parce que Henri est né au Grand-Duché après 1815, date du congrès de Vienne qui mettait fin à l'annexion du territoire par la France. Comme il était né au Luxembourg et qu'il avait déménagé en Belgique, Henri a pu travailler pour la douane en Belgique et s'y marier, ce qui implique qu'il était considéré comme belge et qu'il avait rempli ses obligations militaires.

Henri E. T. Fontaine (naturalization intent, 1857)
Je dois écrire chez nous pour le savoir. Je serais peut-être déjà revenu en Europe si je n'avais pas eu peur de ne pouvoir vivre en voyant à chaque instant les lieux où j'ai eu le bonheur de posséder la meilleure des femmes. A quoi bon, mon cher ami, les richesses si elles ne sont pas accompagnées du bonheur. Après bien des prières et des réflexions, je me suis dis: tu iras finir tes jours où elle est née et là tu prieras tous les jours pour l'âme de celle qui t'est si chère et c'est là que tes enfants poseront leurs pieds [là] où leur pauvre mère les a posés en les portant dans son sein. Et je ne changerai pas de résignation s'il plaît à Dieu. Enfin, mon cher ami, espérons de nous revoir encore un jour. Alors nous pourrons nous conter nos malheurs et aventures de la vie. Et alors vous pourrez me plaindre.

Ici Henri rappelle son attachement à son épouse défunte et il dit qu'il aimerait finir ses jours en Belgique.

A propos, vous me dites que vous croyez qu'un jour, Josephine Coppens serait mon épouse. Effectivement, mon cher ami, j'y ai déjà pensé et si elle voulait changer de religion (elle est évangéliste), je le ferais pour mes enfants, non pas pour moi, car personne au monde ne peut posséder l'amour que je tiens pour ma bonne Elisabeth quoiqu'elle n'existe plus; mais Josephine Coppens a soigné mes enfants déjà plus d'un an, car si je devais soigner mes enfants, je ne pourrais pas faire ce que je dois faire pour gagner de quoi à leur donner.

Joséphine Coppens est une veuve que Henri a rencontrée peu après son arrivée aux États-Unis et qui est devenue la gardienne de ses enfants. Son ami juge a déjà suggéré à Henri qu'il pourrait épouser Joséphine. Or Henri à reçu la dernière lettre du juge en avril 1855, soit à peu près un an après le décès d'Elisabeth. Il faut croire que Henri avait déjà expliqué le rôle pris par Joséphine dans sa vie et celle de ses enfants dans une lettre antérieure. Toujours soucieux de donner l'image d'un bon chrétien catholique, Henri envisage d'épouser Joséphine "pas pour lui-même, mais pour ses enfants" et pour autant qu'elle se convertisse au catholicisme parce qu'elle est protestante (il écrit "évangéliste"; à l'époque, on appelle ainsi tout protestant).

Henri n'ose pas dire que quand il écrit cette lettre, Joséphine est déjà enceinte de 7 mois et qu'il va bientôt l'épouser.

J'ai récolté pour ma première année pour un millier de francs de pommes de terre qui sont déjà presque vendues et j'ai bâti une maison au milieu de ma forêt. Oh mon ami, que je serais heureux si Elisabeth était encore près de nous, mais Dieu ne le voulait pas.

On change de sujet: Henri est fier de l'énorme travail accompli; défrichement, agriculture et construction de sa maison... et nouveaux regrets de devoir vivre sans Elisabeth.

Nous avons trois prêtres catholiques ici: un Français, un Allemand et un Flamand. Le dernier est monsieur Dams de [Diest] (Diste). Environ 2800 Belges sont dans cette année dans le Brown County.

2800 Belges sont arrivés ou résident au Brown County en cette année 1855, surtout des Wallons provenant de la province de Luxembourg et peu de Flamands

Si vous connaissez un jeune homme qui désire venir en Amérique, vous pouvez lui dire qu'il peut venir chez moi. Je payerai 600 frs par an et la nourriture, mais (que) je veux avoir son engagement par écrit et renouvelé ici sous serment. Et il faut que ce soit un homme dans lequel je dois avoir toute confiance. Il n'y a pas besoin qu'il sache lire et écrire pourvu qu'il ait comme volonté de travailler, mais (que) je ne veux pas le tenir plus longtemps que jusqu'au mois d'août ou 7-bre 1857, parce que j'expère retourner en Europe vers cette époque, mais sur [base de] cette lettre il ne faut pas venir; je veux avant tout le connaître et [lui] avoir écrit comment j'entends qu'il s'engage.

"7-bre 1857" = "septembre 1857"

Offre d'emploi pour un CDD ! Henri a toujours l'esprit d'entreprise et le sens du commerce.

Si vous connaissez la résidence de l'employé Mulders, veuillez lui écrire et lui demander s'il n'a pas reçu de lettre de moi. Dites-lui qu'il peut venir ici, qu'il y gagnera bien sa vie et s'il veut venir à mon service que je veux le recevoir aux conditions que je voudrais avoir un jeune homme et, même après que je quitterai l'Amérique, je me porte fort et sous bon cautionnement de procurer une place à celui qui viendra s'il veut rester après moi où il gagnera également et au moins 600 frs par an, et même chez moi si c'est un bon travailleur et lorsqu'il sera bien au courant de l'ouvrage, il pourra être augmenté de 200 frs par an mais que personne ne se mette en route avant d'avoir reçu de mes nouvelles.

L'offre d'emploi est valable pour Mulders également, mais lui pourrait rester aux États-Unis après septembre 1857 s'il le souhaite.

Mes compliments à mes beaux-frères et belles-soeurs, à messieurs Moons, Laenen, Poelmans, Missotten, Vanlind, Corthout, Waes, Vanlind, le médecin A. Wolls, le veuf Vaderken(?), Vanduffel, Poorters et particulièrement à F. Clercx. Dites à ce dernier que je donnerais volontiers un dollar pour avoir un litre de son genièvre. Enfin à tous ceux qui s'informent de moi, à monsieur L. Clercx, Van Loo et les siens, au boucher Vandenweg etc etc et à tous ceux qui me doivent encore du pain [que je] leur [ai] vendu, [dites-leur que] je leur en fait cadeau. Qu'ils prient un Pater et Ave Maria pour l'âme de ma chère Elisabeth. Amen.

Un bonjour à des amis et à quelques autres.

Mon cher et aimable ami de chasse et Juge, je ne sais plus quoi écrire quelquefois. Je pense (oh) que j'écrirai une grande lettre et quand j'écris, je ne peux plus. Alors mon coeur est si plein que je ne sais quoi écrire, mais j'espère que je vous dirai tout oralement un jour, mais en attendant je vais me coucher et rêver que je suis encore à Lindel en compagnie de ma chère Elisabeth et de vous. Il est onze heures du soir et demain en me rendant en ville pour aller à la messe, je mettrai cette lettre à la poste ainsi il faut que je me lève de bonne heure pour faire huit miles de voyage. C'est demain, la Noël.

Lindel est un hameau d'Overpelt dans la commune actuelle de Pelt, là où habitait Henri avant de partir pour l'Amérique.

Il est tard. Demain Henri fera 13 km pour aller à la messe et à la poste. Il a écrit des deux côtés de sa grande feuille de papier. Il n'a pas tout dit, mais il est ému et fatigué. Demain, c'est Noël.

[Expéditeur:] Fontaine à Green Bay, Brown County, Wisconsin, Etats-unis, Amérique du Nord.
[Poste via] (Voie de) Liverpool et New York

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