Ô mes aieux! Halleux, Paygnard et autres
Qui suis-je ?
Cette question peut être le début d'un voyage dans le temps. Il sera tantôt enthousiasmant tantôt étonnant.
Jusqu'en 1815, les troupes françaises contrôlaient une grande partie de l'Europe. Après la défaite de Napoléon, une garnison prussienne s'installe à Luxembourg et les Pays-Bas de Guillaume d'Orange contrôlent le territoire luxembourgeois, tout comme ils contrôlent aussi la Belgique. Il y a beaucoup de mécontentement en Belgique et au Luxembourg et, en 1830, la Belgique proclame unilatéralement son indépendance. Beaucoup de Luxembourgeois espèrent alors que leur région sera intégrée dans la Belgique. Dans les faits, la Belgique annexe le Luxembourg et en fait une neuvième province. Cette annexion pure et simple est rejetée par les puissances européennes.
La situation du Luxembourg restera incertaine jusqu'en 1839 quand sera signé le Traité des XXIV articles qui décide du partage du Luxembourg de l'époque en un territoire luxembourgeois à l'est, propriété du roi des Pays-Bas, et un territoire qui devient la province belge de Luxembourg, à l'ouest.
Les pressions française et germanique subsisteront au Grand-Duché jusqu'au décès du roi des Pays-Bas en 1890 quand le pays deviendra indépendant.
Nicolas Joseph Fontaine épousa Marie Magdelaine Neuman le 28 avril 1813 à Luxembourg. Ils eurent huit enfants, d'abord Charles Joseph, né à Luxembourg en 1813, puis Eugénie Aurore née en 1815 à Tournay d'où provenait son père. La famille s'installe ensuite à Rollingen (Mersch, Grand-Duché) où naîtront Marie Ataline Césarine (1817), Henri Eugène Télesphore (1820), Bernard August (1821) qui mourut bébé, Juste Eutrope Honoré (1823), Jean Héribert Constant (1826) et Valérie Aurore (1829).
La plupart de ces enfants s'établirent au Grand-Duché ou à Etalle dans la province belge du Luxembourg. Ce fut notamment le cas de Jean Héribert Constant, l'arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père de nos petites-filles. Deux de ses frères furent beaucoup plus aventureux. Henri et Juste décidèrent de découvrir l'Amérique.
Henri Eugène Telesphore Fontaine est né le 8 mars 1820 à Rollingen (dans la commune de Mersch au Grand-Duché de Luxembourg). En 1841, ses parents résident à Virton, puis à Etalle dans la province belge de Luxembourg et Henri est aussi en Belgique, peut-être d'abord à Etalle avec ses parents. Maintenant qu'il réside en Belgique, il est soumis aux obligations militaires belges, mais les luxembourgeois devenus belges depuis peu semblent bénéficier d'un régime de faveur. Henri deviendra préposé des douanes. Pour cette fonction, il se retrouve basé à Lindel-Overpelt (actuellement commune de Pelt dans le Limbourg) avec une brigade volante de la douane de Lommel-Barrier, poste frontière entre la Belgique et les Pays-Bas.
En 1845, il se marie avec Marie Elisabeth Pinxten. Quand un douanier se marie avec une habitante proche de son lieu de travail, il doit soit se faire muter ailleurs en Belgique, soit quitter la douane. C'est ce que fera Henri. Sa profession indiquée dans son acte de mariage est "fonctionnaire démissionné" ("ambtenaar gedemissioneerd").
Henri reste à Pelt où il exercera différents métiers: agriculteur en 1847, boulanger en 1848, puis aubergiste à partir de 1851. Il y fera aussi un grand nombre de transactions immobilières. Le couple aura quatre enfants, quatre filles: Elmina (Maria Odilia Elmina) née en 1847, Marie (Marie Margarethe Orelie) née en 1848, Françoise (Francisca Eulalia) née en 1851 et Sophie (Maria Emma Sophie) née en 1853.
Juste Eutrope Honoré Fontaine est né le 22 novembre 1823 à Rollingen (dans la commune de Mersch au Grand-Duché de Luxembourg).
Juste est sans doute venu à Etalle avec ses parents entre 1841 et 1845. Il s'y est marié, en 1852, avec Marguerite Eugénie Maréchal, quelques semaines avant qu'elle accouche de leur fils ainé, Valentin. A cette époque, Juste était sans emploi. C'est peut-être pour cela qu'il décide de partir aux Etats-Unis en juin 1853. Il est parti seul et il arrive à New York le 8 août.
Juste a certainement écrit à sa famille en vantant les possibilités offertes par l'Amérique. Il faut croire qu'il a été convaincant: le 13 décembre 1853, son épouse, Marguerite Eugénie et leur fils Valentin embarquent à Anvers à bord du May Flower, en compagnie de Henri et sa famille.
C'est ainsi que, séduits par le rêve américain, les deux frères et leurs familles sont partis en Amérique dans l'espoir d'une vie meilleure, comme l'ont fait un grand nombre de Luxembourgeois à l'époque. Un quart des Luxembourgeois est parti s'installer à l'étranger dans la seconde moîtié du dix-neuvième siècle.
Les conditions de voyage étaient très difficiles. Ceux qui avaient les places les moins chères étaient installés dans l'entrepont. Edmond Picard, jeune avocat bruxellois, qui voyageait dans le pont supérieur et qui prenait ses repas à la table du capitaine a écrit à propos de l'entrepont: "En entrant dans cet enfer, on est submergé par un air chaud et étouffant et une odeur nauséabonde. Les escaliers qui y mènent sont boueux et glissants. Dans la pénombre, on voit des hommes, des femmes et des enfants, assis sur des valises. (...) Une mère cherche des poux sur son fils, une autre ouvre une couche qui répand une odeur nauséabonde, une famille prend un repas sans faire attention à ce qui se passe à côté. (...) Un homme en bonne santé dort à côté d'un malade."
Les Fontaine voyageaient vraisemblablement dans l'entrepont. Quoi qu'il en soit, cette traversée en hiver fut longue et pénible. Ils arrivèrent à New York le 2 mars 1854. Sophie, la plus jeune fille de Henri, n'avait que 11 mois au moment du départ. Elle mourut du choléra pendant le voyage, quant à Marie Elisabeth, sa mère, elle arriva très malade et mourut quelques jours plus tard.
Marguerite Eugénie et Valentin retrouvèrent Juste à New York et elles partirent avec lui vers le sud. Henri et ses trois filles partirent directement au Wisconsin. Le Wisconsin s'efforçait d'attirer les migrants, en leur permettant d'acheter à crédit des terrains inoccupés.
La veille de Noël 1855, soit un an et demi après son arrivée aux États-Unis, Henri écrit une lettre à un ami juge resté en Belgique. Dans cette lettre, il explique ses succès et ses difficultés. Cette lettre en dit beaucoup sur sa vie d'immigrants et sur les différences entre la vie en Amérique et en Europe.
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